Au bord du vide
Deux pins dansent
Au bord du vide
Deux pins dansent
Qui peut prétendre à l’être?
Qui discerne la fin du feu?
Qui voit le ciel?
Il est parfois possible de peindre
ce qui est par-delà les mots.
Mais dans le pinceau,
Y a-t-il assez d’encre?
Être dans ce monde,
comme la queue d’une vache,
seule à l’intérieur de l’étable,
tout le reste est passé par la porte.
« Tu n’es pas le reflet. Le reflet est toi ».
Comme disait Tosan, ce maître du 9e siècle: « Il est maintenant certainement moi, mais maintenant je ne suis pas Lui. »
La couleur du vin
Et de la peau,
Le son de la thiase et les cris,
La forme et la voix de Dionysos…
Un jour Jôshû dit: « Devant la statue de Bouddha, pas même d’encens, rien que l’odeur de la bouse ».
Attendait-il que le ciel tombe sur la terre?
Le Pêcheur calme,
Dans la clameur de la mer,
L’afflux fantaque des flots,
Jette l’appât du quai sûr.
La Terre, arche en feu, sombre…
Sur le Titanic, on dansait.
Aujourd’hui, on ne danse plus,
On fait, ici et là, la guerre.
Sang éclaboussant,
Esthétique de l’insoutenable,
Rhétoriques retorses, outrées, vulgaires,
Mots évidés, images corrompues.
Les vagues vivent leur vie,
Vient et se souvient le vent,
La lune le lie,
L’écume l’attend.
La nuit sera brève.
Le jour se lève.
Son corps tourne,
et pourtant ne monte pas.
De l’esprit du derviche,
Vole, perce, seule, la fine pointe.
L’ermite est en peine,
Ayant perdu le zen.
Quelques gouttes de pluie,
Larmes immobiles, ont lui.
La fin de la Terre,
Le commencement de la Mer,
Elles font la paire.
Lui-même est le feu, lui-même est le vent.
Si le Maître ici allume l’incendie,
Qui donc nous sauvera?
Le corps, d’accord, mais l’âme même brûle-t-elle aussi ?